lundi 17 octobre 2011

Chapitre 8: La figure et l’œuvre cultes (pages 155 à 181)

Le terme « culte » a un lien important avec la religion (chaque tradition ayant ses rites, son « culte »), mais aussi avec la culture. Si on définit parfois le culte comme une vénération à une divinité (ou à une personne qui se distingue des autres par son comportement, ses actes, etc.), on le considère aussi comme l’enthousiasme d’un groupe restreint pour une figure ou pour une œuvre.

Quand on voue un culte à quelqu’un, qui célèbre-t-on, au juste : la figure en chair et en os, ou une « icône » qui relève en partie de notre imagination? Ce chapitre opte pour la deuxième possibilité : sans dire que le personnage vénéré est complètement inventé, il dépend en bonne partie de ce que ses admirateurs projettent sur lui.


Le chapitre propose une analyse du phénomène cultique en ayant notamment recours à une brillante nouvelle de l’écrivain argentin Julio Cortázar, « Nous l’aimons tant, Glenda » (1980). Elle met en vedette une communauté de fanatiques qui sont prêts à aller très loin pour que l’œuvre de leur actrice favorite corresponde à tous leurs désirs.


Dans sa dernière partie, le chapitre approfondit un développement marquant, dans l’histoire des films cultes : l’engouement pour des films objectivement mauvais. Certains films considérés parmi les pires de tous les temps (pensons, par exemple, aux films d’Edward D. Wood Jr. – Glen or Glenda? [1953], Plan 9 From Outer Space [1959], etc.) passionnent les cinéphiles qui se moquent de leurs faiblesses. Un livre interpellé par la culture des contraires doit accorder de l’attention à ce renversement des critères esthétiques, que l’on pourrait résumer par une phrase souvent reprise : so bad, it’s good (« c’est si mauvais que c’est bon »).


Divers facteurs expliquent cette popularité des films objectivement médiocres, dont le succès retentissant de la série Mystery Science Theater 3000 (1988-1999) et du film Ed Wood (1994) de Tim Burton, mettant en vedette Johnny Depp. Ce film biographique exalte son sujet d’étude : plutôt que de le montrer comme une nullité, on le montre comme un cinéaste lunatique et peu talentueux, certes, mais qui a tout tenté pour proposer sa vision étrange et personnelle avec le plus d’honnêteté possible.


Parmi les autres auteurs sollicités dans ce chapitre, mentionnons Umberto Eco, Jonathan Rosenbaum, Susan Sontag (pour ses notes sur le camp) et J.P. Telotte.

Une autre référence intéressante:

Chapitre 7: La réunion surréaliste des contraires (pages 129 à 154)


Le mouvement artistique surréaliste est notamment célèbre pour l’importance qu’il accorde au jeu et au rapprochement d’images et de symboles appartenant aux univers les plus contrastés. En s’inspirant de Lautréamont, les surréalistes soutenaient que l’image la plus fascinante était celle qui faisait se rencontrer des réalités fort différentes : voilà pourquoi les surréalistes ont accumulé les juxtapositions étranges dans leurs poèmes, leurs romans, leurs peintures, etc.


Ce chapitre s’attarde à cet intérêt surréaliste pour le collage et les contraires en évoquant notamment l’œuvre des peintres Max Ernst, René Magritte et Salvador Dali.


L'oeuvre du cinéaste Luis Buñuel est également abordée; le chapitre étudie entre autres son intérêt pour le collage et son rapport ambivalent à la religion. Le grand ami de Buñuel, l'écrivain mexicain Carlos Fuentes, a fourni une analyse stimulante de l'oeuvre de son camarade; quelques-uns de ses points de vue sont rappelés.


Les réflexions du théoricien par excellence du surréalisme, André Breton, sont elles aussi approfondies (surtout ce qu’il dit de l’automatisme et de l’inspiration).


Avant d’en arriver aux surréalistes à proprement parler, le chapitre inclut quelques allusions au cubisme, premier mouvement artistique à avoir placé le collage à l’avant-plan.


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Chapitre 6: Des traces sur les murs – tags et graffitis (pages 115 à 128)


Ce sixième chapitre propose une analyse du phénomène des tags et des graffitis axée sur l’identité du graffiteur : cette identité se place sous le signe du syncrétisme et du bricolage, dans la mesure où, bien souvent, le graffiteur emprunte des images, des symboles et des personnages aux univers les plus contrastés (du sport aux jeux vidéo en passant par l’histoire de l’art, la politique, les bandes dessinées, etc.).


Certains des premiers graffiteurs ont emprunté l’identité des superhéros de bandes dessinées – ce n’est guère étonnant quand on considère que ces héros vivent une double vie. Similairement, le graffiteur se construit un personnage symbolique (et parfois contradictoire) qui ne correspond pas forcément à celui qu’il incarne dans sa vie de tous les jours.


(Cas encore plus intéressant: quand les graffiteurs empruntent l'identité des... antagonistes des superhéros, célèbres pour introduire le chaos: à New York, par exemple, on a observé un grand nombre de graffitis représentant le personnage du Joker [ennemi de Batman], après la mort de son plus récent interprète, l'acteur australien Heath Ledger.)


Les graffitis sont habituellement illégaux, mais il arrive que l’institution les récupère : quand des graffitis sont commandés, puis effectués sur la façade d’un commerce; quand des graffiteurs deviennent des artistes vedettes du monde de l’art (ce chapitre insiste notamment sur Jean-Michel Basquiat [1960-1988] et Keith Haring [1958-1990]); quand des graffitis sont exposés dans des musées.


Plutôt que de choisir un graffiti (le « sauvage », le « récupéré », etc.) aux dépens d’un autre, ce chapitre interroge la tension même qui anime le graffiti : une tension entre légalité et illégalité, permanence et impermanence, liberté et contrainte, etc.


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Chapitre 5: Violence et sacralité dans les jeux de combat (pages 99 à 114)

Si le quatrième chapitre a introduit le thème des conduites à risque, les deux chapitres suivants approfondissent deux conduites particulières : l’engouement pour les jeux de combat et le phénomène des tags et des graffitis.

Le cinquième chapitre est traversé par des jeux vidéo extrêmes et violents : les jeux de combat. Pendant quelques années, ils ont été visés par les enquêtes mesurant l’impact des jeux vidéo violents sur le comportement des joueurs; depuis une dizaine d’années, en revanche, les principaux « suspects » sont des jeux d’action et de tir comme les séries Grand Theft Auto et Halo.

 

Ce chapitre ne prend pas le relais de ces chasses aux sorcières : il propose plutôt une analyse du genre qui tient compte du rapport entre le joueur et son personnage; d’une expérience qui peut devenir très particulière, axée sur le secret et les techniques avancées.


À bien des égards, les jeux de combat proposent une interprétation virtuelle des arts martiaux orientaux (karaté, kung fu, taekwondo, etc.). Le genre remonte à la fin des années 1970, mais c’est surtout pendant les années 1980 et 1990 – grâce à des séries comme Street Fighter (depuis 1987) et Mortal Kombat (depuis 1992) – qu’il acquiert une popularité appréciable en proposant, d’un jeu à l’autre, des techniques de plus en plus complexes.


Cette difficulté progressive fait en sorte que les experts (qui maîtrisent les aspects les plus ésotériques et complexes de ces jeux) se séparent assez rapidement de la masse des profanes (qui se content d’y trouver du plaisir). Depuis une dizaine d’années, des tournois internationaux sont d’ailleurs organisés afin de permettre aux meilleurs de se mesurer entre eux. Le plus célèbre de ces tournois est Evolution, tenu à Las Vegas à chaque été.


(L’expert de jeux de combat le plus renommé, dans le monde, est probablement le Japonais Daigo Umehara, né en 1981.)


Tout en analysant les jeux de combat, ce chapitre repose également sur un entretien réalisé avec un joueur expert de Montréal; la dernière partie du chapitre relate donc les principales étapes de son parcours, en incitant sur les voies par lesquelles le savoir circule, parmi les joueurs de haut calibre. Il met l'accent sur le prestige qui est accordé aux connaissances avancées... et à ceux qui les détiennent.

dimanche 16 octobre 2011

Chapitre 4: L’initiation démocratisée – l’extrême et la limite (pages 77 à 98)

Prenant le relais des thèmes initiatiques du troisième chapitre, ce quatrième chapitre interroge le thème de l’initiation.


Classiquement, l’initiation relevait principalement des traditions religieuses. Dans ces traditions, elle ciblait surtout quelques individus privilégiés qui parvenaient à atteindre un autre (et meilleur) statut – un statut inaccessible aux « simples mortels ». Ce sens de l’initiation est clair dans les textes mystiques, qui décrivent des expériences hors du commun.

Aujourd’hui, en revanche, l’initiation semble avoir été profondément démocratisée. On parle continuellement d’initiation – à un nouveau langage (informatique, mécanique, artistique ou autre), à un nouveau domaine, etc. Plus important encore : de plus en plus d’événements paraissent susceptibles de devenir des initiations pour ceux et celles qui les vivent; un peu comme s’il fallait braver les épreuves les plus exigeantes pour trouver de nouvelles raisons de vivre.


On le remarque notamment dans les conduites à risque, qui ont beaucoup intéressé le sociologue français David Le Breton. Dans ces conduites marginales (sports extrêmes, modifications corporelles, car surfing, etc.), les jeunes mesurent leur potentiel et franchissent des étapes déterminantes de leur vie; ils défient volontiers la mort, mais… pour mieux (sur)vivre. Ils semblent parfois appliquer la célèbre phrase de Nietzsche : « Ce qui ne me tue pas me rend plus fort. »


Ces conduites provoquent des réactions fortement contrastées, chez les interprètes : tandis que certains y perçoivent des comportements potentiellement dangereux et destructeurs et s’efforcent surtout d’empêcher l’excès, d’autres, au contraire, y observent une nouvelle manière de vivre des rites de passage et soutiennent que l’expérience a sa propre valeur (un peu comme Georges Bataille, qui affirmait que l’expérience n’avait de compte à rendre à personne).


Chapitre 3: Le monstre et ses paradoxes (pages 59 à 76)


Le monstre a toujours été l’objet d’une certaine crainte… mais aussi d’une intense fascination. On l’associe généralement au mal, à l’horrible, à la laideur, mais il est également la vedette de productions culturelles immensément populaires (dans la littérature et le cinéma d’horreur, dans la peinture, etc.). Dans son livre Deformed Discourse, David Williams a montré à quel point la figure du monstre a marqué l’histoire des idées. Umberto Eco, quant à lui, a pu éditer une Histoire de la laideur dominée par les représentations monstrueuses, dans diverses époques.


Le troisième chapitre revient sur les thèmes combinés de la laideur et du monstrueux en insistant sur les réactions contraires qu’ils suscitent.



La dernière partie du chapitre est consacrée à l’étude d’un film dans lequel le monstre joue un rôle particulier : Night of the Demon (1957), de Jacques Tourneur. Tandis que son producteur Hal Chester espérait montrer le plus d’images possibles du démon-titre, Tourneur, lui, misait avant tout sur l’évocation, comme il l’avait fait pendant les années 1940, dans des films comme Cat People (1942), I Walked With a Zombie (1943) et The Leopard Man (1943), tous produits par Val Lewton. Deux approches luttent donc, dans Night of the Demon : montrer ou suggérer le démon? Cette ambivalence à l’égard est notamment approfondie à travers le prisme de la phénoménologie religieuse de Rudolf Otto, en particulier dans Le sacré.


L’excellent livre de Chris Fujiwara sur Tourneur – Jacques Tourneur : The Cinema of Nightfall (2000) – a été très utile.


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samedi 15 octobre 2011

Chapitre 2: Représenter l’irreprésentable – le symbolisme non imitatif (pages 41 à 58)

Proposant une escale dans la philosophie ancienne, ce deuxième chapitre est traversé par le thème du symbolisme. Traditionnellement, on considère que le symbole évoque le semblable : si on soutient que le tournesol symbolise le soleil ou que le corbeau symbolise la mort, par exemple, c’est parce que ces réalités partagent certains aspects (forme, couleur, etc.). Bref, parce qu’elles ont un air de famille.


Or, à la fin de l’Antiquité, les philosophes néoplatoniciens (fortement influencés par Platon, mais aussi par d’autres courants) ont proposé un symbolisme beaucoup plus radical. Le philosophe Proclus, en particulier, a mis de l’avant un symbolisme libéré de toute forme d’imitation : il est possible, dit-il, que le contre-nature puisse symboliser la nature; que le laid puisse symboliser le beau. Il faut, pour cela, qu’on cesse de considérer le symbolisme comme un rapport du semblable au semblable : le symbolisme peut ramener ensemble des éléments fondamentalement différents.


David Williams a étudié ce symbolisme dans son stimulant ouvrage Deformed Discourse, mesurant son énorme influence sur l’art et la pensée du Moyen Âge. Pour sa part, ce livre perçoit dans ce symbolisme une source importante de la culture des contraires, qu’elle soit ancienne ou contemporaine.


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Chapitre 1: Éclectisme, syncrétisme et bricolage (pages 17 à 39)

Ce premier chapitre précise le sens de trois notions qui permettent à ceux et celles qui les utilisent de ramener ensemble des notions, des idées et des images appartenant à des univers variés.

Les exemples de syncrétisme et de bricolage ne manquent pas, dans la culture : pensons au courant du nouvel âge, qui jumelle volontiers des croyances empruntées à de multiples traditions (religions orientales, christianisme, paganisme, etc.), ou aux étonnantes constructions syncrétiques des cultes afro-brésiliens (dont le candomblé).



Si le syncrétisme et le bricolage sont autant pratiqués aujourd’hui, c’est entre autres parce que les discours autoritaires ont de plus en plus de difficulté à s’imposer : dans bien des domaines (arts, politique, philosophie, religion, etc.), on assiste à une compétition féroce entre de nombreux discours; il appartient à chaque individu de choisir celui qu’il ou elle préfère, ou plutôt, de choisir les morceaux, les aspects qui lui plaisent davantage, quitte à réunir des éléments qui semblent avoir peu de points en commun.


Les réflexions de Claude Lévi-Strauss (La pensée sauvage), Roger Bastide, Gérard Genette, Jacques Derrida, Michel de Certeau et Jean-François Lyotard sont notamment abordées dans ce chapitre.


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Sur Internet, le livre La culture des contraires: éclectisme, syncrétisme et bricolage peut notamment être acheté aux points de vente suivants:
  • Renaud-Bray (en ligne et dans diverses succursales, au Québec).

Présentation du livre La culture des contraires: éclectisme, syncrétisme et bricolage


La culture des contraires :
Éclectisme, syncrétisme et bricolage

Philippe St-Germain

Éditions Liber (le site de l'éditeur)
Disponible en librairies dès le 11 octobre 2011


Résumé :

La culture de toute époque sans doute comporte sa part d’objets composites, élaborés à partir d’éléments qui, à première vue, n’ont guère de points communs et qui paraissent mêler à loisir les genres et les univers — Jésus en pleine méditation bouddhiste ou Bouddha sur une croix, le jour et la nuit réunis sur la même toile, le laid envisagé comme symbole du beau. Si on ne voit souvent dans ces œuvres hybrides que dispersion, incohérence et emprunts mal assimilés, ce livre se propose plutôt de mettre en lumière ce qui se joue dans le processus de recomposition et de bricolage dont elles résultent. La culture des contraires qu’il met ainsi en évidence se donne à voir dans des sujets aussi variés que le symbolisme ancien, les conduites extrêmes, les graffitis, la création artistique surréaliste ou encore le phénomène des films cultes. Les tensions et les contradictions qui animent ces réalités éclectiques traduisent en même temps créativité et dynamisme qui sont, à n’en pas douter, une caractéristique décisive de notre propre culture contemporaine.

Table des matières :
Chapitre 1 Éclectisme, syncrétisme, bricolage

Chapitre 2 Représenter l’irreprésentable : le symbolisme non imitatif
Chapitre 3 Le monstre et ses paradoxes

Chapitre 4 L’initiation démocratisée : l’extrême et la limite

Chapitre 5 Violence et sacralité dans les jeux de combat

Chapitre 6 Des traces sur les murs : tags et graffitis
Chapitre 7 La réunion surréaliste des contraires

Chapitre 8 La figure et l’œuvre cultes

Détails :

Prix: 24.00 $ CAD
Nombre de pages: 202
ISBN: 978-2-89578-315-2
Format: 9 x 6 po; 23 x 15 cm
Disponibilité au Canada: code produit: 9782895783152

À propos de l'auteur :

Philippe St-Germain est professeur au département de philosophie du collège Ahuntsic, à Montréal. Auteur de divers articles scientifiques, il a notamment codirigé le collectif Des jeux et des rites avec Guy Ménard (Liber, 2008).


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